
Vincent Labrune, président de la Ligue de football française, et Jean-Marc Mickeler, président de la DNCG / Credit : Icon Sport
Crise entre les clubs professionnels et la DNCG
C’est un véritable coup de tonnerre dans le paysage du football français. Cette semaine, la DNCG (Direction nationale du contrôle de gestion) a tapé du poing sur la table : à partir de la saison 2025-2026, les clubs ne pourront plus inscrire dans leurs budgets prévisionnels les revenus issus des droits TV... tant qu’aucun accord clair n’aura été signé. Une décision radicale qui plonge de nombreux dirigeants de Ligue 1 et de Ligue 2 dans l’incertitude la plus totale.
Les conséquences sont immédiates : révisions budgétaires massives, blocage potentiel du mercato, et menaces de sanctions administratives – allant jusqu'à l’interdiction de recrutement, voire la rétrogradation. Selon plusieurs sources concordantes, près de la moitié des clubs professionnels seraient aujourd’hui dans l’incapacité de présenter un budget viable à la DNCG.
Dans une retranscription faites par nos confrères de L'EQUIPE 21, Jean-Marc Mickeler, président de la DNCG, a d’ailleurs adressé un message limpide à ceux qui espèrent encore pouvoir jouer avec les lignes :
« Le pire est à venir. On n’est pas dans une phase de rétablissement du football français. On est dans une phase d’aggravation. »
Un avertissement sans détour, qui résume à lui seul la gravité de la situation et la volonté assumée de l’instance de serrer la vis.
Le problème ne vient pas seulement de la baisse potentielle des droits TV. Il est bien plus structurel : depuis des années, les clubs vivent au-dessus de leurs moyens, en anticipant des ventes de joueurs incertaines ou en maintenant des masses salariales déconnectées de leurs ressources réelles. La DNCG, elle, semble bien décidée à mettre un terme à ces dérives.
Dans une vidéo publiée récemment, le journaliste indépendant d’investigation Romain Molina en dit davantage sur les coulisses de cette crise.
Un tournant brutal et inattendu
La crise que traverse le football français atteint un nouveau point critique. Ce vendredi 2 mai, une réunion cruciale s’annonce particulièrement tendue entre les clubs professionnels, la Ligue, et surtout la DNCG, l’organe chargé du contrôle financier des clubs. En cause : un changement soudain et radical des règles budgétaires imposé par son président, Jean-Marc Mickeler, qui pourrait avoir des conséquences dramatiques pour les finances des clubs de Ligue 1 et de Ligue 2.
Depuis toujours, les clubs français équilibrent leurs budgets prévisionnels grâce à deux piliers incertains : les ventes de joueurs et les revenus issus des droits TV. Deux sources de revenus aujourd’hui remises en cause. Le journaliste résume :
« Pour l’année prochaine, vous mettez en droits TV zéro, et vous ne pouvez plus mettre les ventes que vous n’avez pas réalisées. »
Autrement dit, impossible d’intégrer les promesses de vente ou les estimations de droits TV dans les budgets validés par la DNCG, alors même que les clubs n’ont que quelques semaines pour finaliser leur plan de financement. Le journaliste dénonce le timing absurde :
« Je rappelle que les passages DNCG sont prévus dans à peu près un mois… Et un mois avant, changement de règle. C’est quand même assez exceptionnel. »
Une tempête financière pour les clubs
La panique est généralisée. Les clubs, qui avaient déjà du mal à tenir leurs comptes avec des prévisions optimistes, doivent désormais présenter des budgets avec des lignes droits TV et transferts à zéro. Les pertes structurelles apparaissent alors dans toute leur brutalité.
Quelques exemples édifiants : Stade de Reims : « Jean-Pierre Caillot perdait 36,9 millions d’euros avant les transferts, avec 20 millions de droits TV… ça fait 57 millions qu’il faut garantir. »
Montpellier : « 25 millions de déficit structurel et 36 millions de droits TV, donc 61 millions à couvrir. Vous croyez que la famille Nicollin va mettre ça sur un compte ? »
Nantes : « Kita, c’est 30 millions de déficit, 21 millions de droits TV… 50 briques à trouver. »
Amiens : « 15 millions de trou, 4,5 de droits TV… 20 millions à mettre. »
Pau FC : « Un million et demi de pertes, 3,7 de droits TV… 5 millions. »
En Ligue 2, la situation est décrite comme une "boucherie". Le journaliste questionne :
« Comment les petits actionnaires de Rodez, Pau ou Grenoble vont mettre plusieurs millions sur un compte ? »
Des règles... mais irréalistes
Le paradoxe est là. Le virage pris par la DNCG est, dans le fond, sain. Fini les carabistouilles, les budgets montés de toutes pièces avec des promesses jamais tenues. Le journaliste le reconnaît :
« Les mesures prises aujourd’hui sont réalistes et bonnes… le problème, c’est que là, c’est too much. »
Ce durcissement n’efface pas les années de laxisme, bien au contraire, il en est le contre-coup. Mickeler, présenté aujourd’hui comme le gendarme inflexible, est violemment critiqué pour sa gestion passée :
« Ce même monsieur Mickeler qui nous disait il y a moins de deux ans que ‘le foot français est tiré d’affaires’, que ‘Mediapro était une chance’… il s’est planté de A à Z. »
Romain Molina ajoute : « Sous son patronage, on a laissé tout faire pour Sochaux, Bordeaux… 6 mois avant il n’y avait pas de souci, et on découvre un trou de 20 millions. »
L’heure des comptes pour tous
Le journaliste ne ménage pas les clubs non plus :
« Il faut toujours rappeler la responsabilité des clubs, qui ont vécu au-dessus de leurs moyens malgré l’argent de CVC. »
Et de se moquer avec ironie :
« On va être gentil avec Jean-Pierre Caillot, Kita et Nicollin, les trois génies : on va dire que vos clubs valent 1 €. Symbolique. »
Vers une Ligue à deux vitesses ?
Avec ces nouvelles exigences, seuls les clubs adossés à des milliardaires semblent pouvoir survivre : PSG (Nasser Al-Khelaïfi), Monaco, Marseille (McCourt), Toulouse (RedBird), ou encore le Paris FC (Bernard Arnault) et Créteil (Xavier Niel). Le reste du football professionnel français pourrait tout simplement imploser.
« À la fin, on va se retrouver avec la Nasser 1 et la Nasser 2… et tous les autres dehors. »
Quelle issue ?
Romain Molina appelle à la lucidité, refusant de sombrer dans le sensationnalisme :
« On ne peut pas non plus faire ça d’un coup. Il faudrait un juste milieu, avec des ventes potentiellement réalisables, pas des chiffres farfelus. »
En conclusion, Romain Molina pose ses mots avec gravité :
« Là, c’est tout un système qui se casse la gueule. Si la DNCG respecte ce qu’elle dit, il y a quasiment 40 % des clubs qui ne la passent pas. »
Pier Paolo Walack
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