Droit télé  : le football français face à son «  suicide collectif  »

Publié le 17 avril 2025 à 17:47

Vincent Labrune président de la LFP aux cotés de Nasser al-Khelaïfi président du Paris Saint-Germain et président du groupe beIN MEDIA GROUP/ Crédit : SOFOOT Actus


la rupture avec DAZN plonge les clubs dans l’incertitude

Le football français traverse une tempête inédite. Lors d’une récente réunion du conseil d’administration de la Ligue de Football Professionnel (LFP), une décision lourde de conséquences a été prise : la résiliation majoritaire du contrat de diffusion liant la ligue à DAZN. Cette rupture marque un nouvel épisode dans la longue série de désillusions que connaît le football hexagonal depuis l’effondrement de Mediapro.

Ce divorce intervient sur fond d’échec des négociations et d’une insatisfaction croissante vis-à-vis du diffuseur. DAZN, de son côté, refuse de verser une compensation financière jugée essentielle par la LFP, poussant la situation vers un bras de fer judiciaire. Une plainte a même été déposée par la plateforme britannique à l’encontre de la Ligue, accentuant un climat déjà délétère.

Derrière ce conflit, c’est tout un système qui vacille. Les clubs, déjà fragilisés par des bilans financiers précaires, se retrouvent sans perspectives claires. Sans revenus télévisés garantis, la survie économique de nombreux d’entre eux est en jeu. Les scénarios alternatifs envisagés , dont la création d’une chaîne 100 % Ligue 1 peinent à convaincre, freinés par les coûts d’infrastructure et le scepticisme du marché.

L’échec de la LFP à sécuriser un accord de diffusion durable révèle une gouvernance en panne d’anticipation. Aucune stratégie viable ne semble émerger, malgré l’urgence. Le mot est lâché : nous assistons à un « suicide collectif » orchestré par des dirigeants incapables d’assumer leurs responsabilités, aveuglés par des modèles dépassés et un refus de repenser la structure salariale du football français. 

Dans une vidéo postée sur YouTube, Romain Molina, journaliste d’investigation indépendant, témoigne de cette situation critique et dénonce le "suicide collectif" orchestré par les responsables du football français.

Une rupture annoncée, mais mal anticipée

Depuis des mois, DAZN affichait explicitement sa volonté de se désengager. Malgré cela, la LFP semble avoir découvert l’ampleur de la crise trop tard. Résultat  : la ligue se retrouve dans une impasse, entre médiation judiciaire et incertitude contractuelle.

« On se prend le mur de plein fouet… » « Mais pas grave, la ligue reste confiante. »

Le montant en jeu est colossal  : environ 140 millions d’euros non encore versés pour cette saison. DAZN, qui a porté plainte contre la LFP en réclamant plus de 500 millions d’euros pour «  tricherie  », campe sur ses positions et refuse de verser les compensations demandées. La médiation, elle, patine.

« DAZN a quelques soucis en Allemagne, un peu en Italie, mais ils n'ont jamais eu autant de problèmes avec une ligue.  » « C’est la première fois. »

Un théâtre d’absurdité managériale

La réunion où s’est jouée cette décision cruciale illustre à elle seule le dysfonctionnement des instances. Vincent Labrune, président de la LFP, y participait à distance, préférant assister au match Aston Villa – PSG à Birmingham. D’autres figures majeures, comme Nasser Al-Khelaïfi, étaient également absentes : 

« Il n’y en a pas un qui a l’entrejambe pour parler. » Non non, sur cette réunion, rien. OK, bah d’accord, on fait la médiation.

Et pourtant, malgré cette désorganisation manifeste, un vote a bien eu lieu :

« Les clubs ont voté en grande majorité pour : en Ligue 2, 15 sur 18 je crois, et en Ligue 1, 12 sur 18. Rennes, Lille, Monaco, Marseille, Le Havre et Saint-Étienne, voilà ceux qui n’ont pas voté pour, si je ne dis pas de bêtises. Donc il y en a six. »

Un vote décisif, alors même que tout le monde sait que DAZN souhaite quitter la table au plus vite :

« Écoutez bien, pour que les gens comprennent : DAZN ne veut plus rester, ils veulent partir au plus vite. OK. Mais la Ligue est pour. Donc hier, elle vote pour arrêter, si possible après la fin de… »

Face à un DAZN qui refuse tout versement supplémentaire et exige une renégociation des tarifs pour poursuivre, la LFP campe sur ses positions… tout en réclamant des millions : 

« Même le médiateur a dit qu’on allait essayer à 125 millions. » Évidemment, DAZN a refusé.

Une chaîne maison : dernière illusion ?

Dans ce climat d’incertitude et de défiance généralisée, certains dirigeants misent désormais sur une solution de dernier recours : la création d’une chaîne de télévision dédiée à la Ligue 1. Un projet aussi risqué qu’improvisé : 

« Tu veux faire la chaîne, mais l’idée qu’ils ont, c’est : on la fait, et ensuite on la vend à quelqu’un qui en achètera l’exclusivité. »

Cet été encore, l’enthousiasme était réel. La promesse semblait belle. Mais aujourd’hui, l’élan s’est transformé en malaise : 
« C’était exceptionnel cet été. Maintenant, tu as l’impression que ça ne vaut plus rien. Alors il faut changer, il faut faire cette chaîne. OK. Mais il y en a qui ne sont pas contents, certains voulaient autre chose… et au final, tout le monde se tait. »

Ce silence en dit long. Une forme de résignation collective s’est installée, nourrie par les désillusions successives : 

« Soit les clubs sont résignés, soit ils croient encore aux belles paroles. Mais globalement, tout le monde la ferme. »

Pourtant, ce projet repose sur une illusion : celle de trouver un partenaire capable de mettre entre 150 et 200 millions d’euros sur la table pour diffuser la chaîne. Une perspective totalement déconnectée de la réalité actuelle du marché : 

« Vous croyez que Canal+ va faire une fleur et vous donner 200 millions ? Bah non, c’est dans les rêves. »

Romain MOLINA appelle à une refonte totale.

Au cœur de cette débâcle, Romain Molina dénonce l’absence de vision à long terme et le refus d’affronter les véritables problèmes : des salaires trop élevés, une gouvernance en déconnexion, des décisions court-termistes.

« La seule solution pour vous sortir, c’est d’avoir une négociation entre la ligue, le syndicat des joueurs, l’UNFP… et d’obtenir une baisse globale de tous les salaires. »

« Ce sont les présidents les premiers responsables. Ce sont eux qui prennent l'argent direct, qui s'en foutent du produit, qui vont rompre toute relation de confiance avec les diffuseurs.  »

Alors que la ligue est désormais dépendante du bon vouloir d’un éventuel diffuseur providentiel, l’urgence est à la réforme. Sinon, c’est l’effondrement total d’un modèle déjà moribond.

« Vous êtes K.O. mais continuez à creuser votre tombe, c’est très bien. »


Pier Paolo WALACK 

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