
Vincent Labrune et Philippe Diallo devant le siège de la FFF./ Crédit : Imago
LA FIN DE L’AUTONOMIE DE LA LFP ?
La Fédération française de football s’apprête à introduire une réforme majeure dans le domaine du football professionnel en France, sous la direction de son président Philippe Diallo, en prenant exemple sur le modèle anglais (PL).
La Ligue de football professionnel considérerait cette réforme non seulement comme une réorganisation rudimentaire, mais également comme une transformation fondamentale de sa structure actuelle, ce qui annoncerait la fin de son autonomie institutionnelle telle qu'elle est connue aujourd'hui.
Actuellement mandatée par la Fédération française de football (FFF), la LFP est chargée d'organiser et de réguler les championnats professionnels (la Ligue 1 et la Ligue 2). Elle est aussi responsable de la négociation des droits télévisuels et d'assurer le bon fonctionnement financier des clubs à travers des organismes tels que la DNCG. Si la réforme est adoptée avec succès, ces compétences seraient déléguées à une société privée gérée par les clubs, mais soumise à l'autorité directe de la fédération, avec un droit de veto sur les décisions importantes.
Ce changement institutionnel implique essentiellement une remise en question du fonctionnement actuel de la gouvernance du football professionnel en France, qui est considérée comme trop stricte et peu réactive aux réalités économiques parfois éloignées du terrain de jeu habituel des clubs professionnels français.
Pour la LFP, cela signifie non seulement une perte de contrôle historique, mais également une interrogation sur sa légitimité comme représentation des intérêts communs des clubs professionnels. Jusque-là dotée d'un système électif assurant une représentativité démocratique où les clubs de la Ligue 1 et de la Ligue 2 votaient pour élire leurs dirigeants, la nouvelle approche verrait l'émergence d'un conseil d'administration géré comme une entreprise privée avec un PDG désigné plutôt qu'élu.
Dans les coulisses de cette réforme se dessine un rééquilibrage du pouvoir en faveur de la FFF qui exprime ainsi sa volonté de reprendre les rênes du football professionnel à la suite d'une décennie marquée par des tensions récurrentes entre les deux organes dirigeants. La Ligue nationale de football, autrefois perçue comme un acteur incontesté notamment sous la présidence de Frédéric Thiriez ou de Vincent Labrune, serait reléguée au silence institutionnel pour laisser place à une nouvelle structure plus alignée sur les exigences de rentabilité et de stabilité prônées par la FFF.
LES avantages
Une plus grande indépendance accordée aux clubs dans la prise de décisions.
Un aspect clé de la réforme repose sur l'établissement d'une structure commerciale dirigée par les clubs eux-mêmes, chacun ayant un droit de vote et s’inspirant du modèle de la Premier League anglaise où les clubs collaborent pour gérer conjointement les intérêts communs du championnat. Ce nouveau schéma pourrait faciliter des prises de décision plus rapides et renforcer une cohérence stratégique parmi les acteurs économiques du monde du football. Le succès financier et la renommée de la Premier League anglaise (qui génère environ 5 milliards d'euros par an grâce aux droits télévisés nationaux) résultent d'une collaboration étroite entre les clubs et du professionnalisme des organes directeurs concernés. En France, l’adoption d'un modèle de gouvernance similaire pourrait aider à atténuer les conflits d'intérêts récurrents entre la Ligue et la Fédération française de football.
La réussite financière et la renommée de la Premier League anglaise (avec près de 5 milliards d'euros provenant des droits TV domestiques chaque année) sont en partie dues à la collaboration harmonieuse entre les clubs et au professionnalisme des instances dirigeantes du football anglais. En France aussi, un modèle similaire pourrait aider à éviter les conflits d'intérêts fréquents entre la Ligue et la Fédération française de football.
Une régulation économique renforcée pour un football plus durable.
Philippe Diallo souhaite limiter les salaires des joueurs et réduire les effectifs pour mieux encadrer les clubs possédant plusieurs établissements dans une optique de gestion économique responsable visant à assainir les finances des clubs en difficulté financière chronique.
Exemple : en 2022, Bordeaux avait frôlé la relégation administrative à cause de sa dette, tandis que Saint-Étienne avait vu sa masse salariale devenir intenable malgré une descente en Ligue 2. Avec une limitation budgétaire plus stricte, ces dérives auraient pu être évitées.
Un nouveau modèle de répartition des droits TV plus équitable.
La réforme englobe également une révision de la répartition des droits audiovisuels avec une focalisation sur les clubs de Ligue 2, Ligue 1 et les centres de formation sportive, dans le but de réduire les écarts économiques, de prévenir les inégalités financières et d'encourager les investissements à long terme.
Exemple : Il y a trois ans, le Racing Club de Lens se distinguait par son centre de formation et une gestion salariale prudente, témoignant du succès d’un club qui aurait pu tirer profit d’un modèle de redistribution plus incitatif, contrairement à d’autres clubs misant sur des transferts coûteux sur le marché.
Les freins
Une perte d’indépendance pour la Ligue et un pouvoir de veto jugé trop intrusif
Le démantèlement de la Ligue de football professionnel et le transfert de la nouvelle entité commerciale sous l'autorité directement de la Fédération française de football pourraient être confrontés à des résistances potentielles.
Exemple : Si la Fédération Française de Football obtient le pouvoir de veto pour influencer le format des compétitions ou les promotions/dégradations possibles dans les ligues de football en France, elle pourrait entraver des propositions importantes telles que l'expansion de la Ligue 1 à 20 équipe ou l'introduction d'un système de play-offs, même si la plupart des clubs sont en faveur de ces changements.
Le risque d’un modèle hybride difficile à faire cohabiter.
Créer une entreprise tout en donnant à la FFF un contrôle stratégique pose la question délicate du partage du pouvoir. L'exemple du système anglais est souvent mentionné, car la Premier League bénéficie d'une autonomie complète. Cependant, mettre en place une structure à double direction en France pourrait entraîner des domaines flous tant sur le plan juridique que décisionnel.
Exemple : en Espagne actuelle se déroule une lutte entre La Liga sous la direction de Javier Tebas et la fédération espagnole (RFEF), mettant en lumière les tensions entre les impératifs commerciaux et la régulation fédérale concernant divers aspects tels que les calendriers de matchs ou les droits à l'international.
Une transition organisationnelle à haut risque.
La dissolution de la LFP et le transfert de la DNCG, ainsi que l'établissement d'un conseil d’administration avec un président-directeur général nommé par les clubs, demandent des modifications substantielles au niveau structurel susceptibles provisoirement de causer des perturbations organisationnelles et même une certaine ambiguïté juridique.
Par exemple, la naissance de la Ligue professionnelle de rugby (LNR) illustre comment le transfert du pouvoir des mains de la Fédération vers les clubs a exigé une période prolongée de clarification des autorités en place, ce qui a entraîné des controverses, notamment concernant les sanctions disciplinaires et les arbitrages décisionnels.
Pier Paolo WALACK
Ajouter un commentaire
Commentaires